C’est quoi l’idée ?

« Les idées sont aux perceptions ce que le métissage est à la reproduction : une chance de créer de la différence ! »

Ce n’est pas le prochain sujet du bac de philo, c’est un des nombreux aphorismes de Philippe Michel*, gourou de la publicité française dans les années 80. Si dans les eighties vous n’étiez pas nés (personne n’est parfait) vous ne le connaissez probablement pas. Mais aucun publicitaire qui se respecte n’est censé ignorer le travail de cet anticonformiste, gentiment provocateur. Il défendait l’idée qu’il fallait « rentrer en intelligence » avec les consommateurs plutôt que les assommer.

 

 

Si on a eu envie de prendre en exemple cet illustre directeur de création, c’est parce que toute sa carrière durant, il a voulu démontrer la valeur de ce que sont les idées. Pour parler créativité, on ne pouvait pas rêver meilleur mentor. Du coup la question qui vous taraude, on l’entend du fin fond de notre salle de réu, c’est : 

Mais pourquoi diable s’interroger sur la créativité ?

Ça ne vous aura pas échappé, puisque vous lisez toutes nos newsletters, si aujourd’hui la communication est indispensable, elle doit aussi être dotée d’une bonne stratégie de contenu… mais pas seulement. Greffés à nos écrans, on assiste à une sérieuse standardisation de ces fameux contenus. Les mêmes recettes sont appliquées partout, surtout sur les réseaux sociaux, dictature de l’algorithme aidant.

Ajoutons un argument économique : la créativité rend les contenus plus chers à fabriquer alors que c’est plus risqué. (Re)produire ce qui est déjà connu c’est prendre moins de risques… sauf peut-être celui d’être fade et noyé dans la circulation dense des posts et autres fils d’actualité.

Alors sortir du lot, pourquoi pas… ou plutôt pourquoi ? Pour le plaisir de dire : on est différents, hors de question de faire comme les générations passées ? Récemment, on a vu la boucle s’enrouler parfaitement sur elle-même : les youtubeurs et podcasteurs ont d’abord voulu se démarquer en prenant le contre-pied des médias traditionnels, pour aujourd’hui reprendre tous leurs codes. Tandis que les médias tradis, eux, copient les codes des réseaux et injectent de l’interactivité dans leurs formats. Au final, tout le monde jouera sur un pied d’égalité… et il faudra à nouveau trouver une idée pour sortir du lot. C’est la vie, nos fonctionnements cognitifs sont câblés comme ça. Il y a même des lois qui en ont été extraites pour faire de l’UX design : sortir du lot, ça s’appelle l’effet Von Restorff.

 

 

Une fois qu’on a dit ça, qu’est-ce qu’on a dit ? Qu’un contenu plus créatif permettrait de se faire remarquer ? Certes. Mais à tenter un vrai pas de côté, on risque d’être clivant, de déplaire et de perdre sa communauté de clients, de fans, d’utilisateurs. 

On repense à Philippe Michel pour qui le côté disruptif dans le travail était une condition indispensable à la réussite. Et on se demande ce qui a changé. À l’époque, un créatif travaillait d’abord avec une marque, focalisé sur son produit ou service. Et il s’interrogeait ensuite sur ses cibles. La réussite d’une campagne de com n’était jamais sûre : le film ou l’affiche diffusés, on attendait de voir si on obtenait une augmentation sur les chiffres de vente. Aujourd’hui, l’usage des réseaux et le fonctionnement des algorithmes a renversé ce rapport. Les cibles sont LE centre d’attention, le produit venant en second temps dans le travail de réflexion. 

Dans la guerre de l’attention, les cerveaux addicts à la dopamine réclament de la nouveauté et de l’émotion renouvelées plusieurs fois par jour. Avec si peu de concentration accordée à chacune des stimulations, la recherche de l’idée qui fera date apparaît comme une mission impossible.

Alors, pour ne pas sombrer dans l’angoisse de la page blanche, regardons de plus près comment ça marche la créativité…

Philippe Michel travaillait avec le concept d’objets mentaux : des sortes de boîtes virtuelles remplies de références communes. L’humain étant un animal social, il est donc influençable, on va pouvoir s’interroger sur ce qui est susceptible de plaire à un public. 

Est-ce que les contenus qu’on voit partout correspondent à ce que réclament les consommateurs ou est-ce qu’ils veulent ça parce qu’on ne leur sert que ça ? Difficile de répondre car les algorithmes ne resservent que ce qui a déjà plu, du coup… Nous revoilà face à cette boucle qui tourne parfaitement sur elle-même.
Cognitivement, on sait aussi qu’à force de répétitions on finit par aimer ou avoir envie de cet objet ou de ce concept qui est devenu familier. On en voit les exemples dans les films, les séries ou la musique, qui en plus de s’être standardisés, recréent à l’infini à partir de ce qui a déjà fonctionné : voir l’incroyable industrie du Marvel Cinematic Universe (MCU) et sa parfaite maîtrise du fan service. 

 

Tout ce qu’on nous propose est standardisé, la faute à qui ? Les consommateurs qui n’ont jamais eu autant de pouvoir, les créateurs qui plient devant les logiques marketing, internet et les réseaux qui transforment notre monde en immenses archives de nos références communes ? Pas si simple. Ce qui est sûr c’est qu’on ne peut pas créer à partir de rien. Les souvenirs, les « refs », sont la matière indispensable à la création de contenus qui touchent le public. 

Vous allez nous dire, on ne vous a pas aidé à savoir s’il fallait plutôt être créatif ou plutôt conformiste pour réussir sa communication. 

Une partie de réponse se trouve peut-être en regardant du côté de l’intelligence artificielle.

Elle illustre parfaitement le fait de ne pas savoir créer à partir de rien. Elle qui reproduit au pixel près ce qui a déjà été fait, ne connaît pas l’effet Von Restorff. C’est assurément là que l’humain doit affirmer sa place. Ce que l’IA ne peut pas faire, à priori, c’est trouver une façon de traduire des références collectives (objets mentaux) de manière innovante, inattendue. Alors qu’un humain peut trouver des idées incroyables, même à partir de matière ultra connue ou dépassée. Comme le « Dieu des jouets » Gunpeï Yokoï, créateur de la Game Boy© qui innovait avec « la pensée latérale des technologies désuètes » et qui a redéfinit la manière de toucher le public des gamers. Il a été là où personne ne l’attendait et a créé de nouveaux standards.

Philippe Michel disait : « une fois qu’on a bien analysé, bien compris pourquoi les choses sont comme elles sont, on n’a plus aucune chance de pouvoir imaginer ce qui pourrait les changer. » Il était partisan, de l’intuition, de la sérendipité plus que de la rationalité dans la recherche d’idées.

Et nous, à l’Atelier, on est d’avis que la meilleure façon de produire des contenus c’est de faire un mix entre, ce qui se fait déjà et qui sera vu, et ce qui est disruptif… et qui sera retenu ! Reste à trouver le bon dosage et ça, c’est un vrai métier : c’est celui du créatif !

Finalement, on se dit que ça ferait un sacré bon sujet pour le bac de philo. On dit ça, on dit rien… 😉

 

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